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P. Alain Romaine : Le Code Noir : L’esclavage Gravé Dans La Loi

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Le code noir de 1685 montre que les esclaves sont représentés comme des meubles et non pas comme des Êtres humains. En mars 1685 fut promulguée une ordonnance, préparée par Colbert et son fils, connue sous le nom de « Code noir » et qui avait pour objet de préciser la condition des esclaves noirs au regard du droit. Le code noir de 1685 montre que les esclaves sont représentés comme des meubles et non pas comme des Êtres humains. Le code noir est une atteinte à la liberté que dénoncent les Philosophes des Lumières au XVIII ème siècle . Le code noir sera aboli en 1848.Le père Alain Romaine a publié un article de fond sur le code noir sur le site du diocèse de Port-Louis. Il conclut en disant : aujourd’hui, au regard de la déclaration universelle des droits humains, les descendants d’esclavés portent les séquelles de l’esclavage gravé dans le Code Noir ; bien que la lettre diffère, l’esprit perdure. Ils continuent à payer le prix cher du racisme mué en communalisme, l’exclusion, la discrimination, la péjoration issues des préjugés. Voici l’article…

Un texte juridique fondateur

Le Code Noir, élaboré par J.B.Colbert, est le titre donné à l’Édit royal promulgué en mars 1685 par Louis XIV destiné aux îles d’Amérique. Il vise à donner un cadre juridique au système esclavagiste dans les colonies. Il sera amendé et publié en lettre patente concernant les « esclaves nègres » des Isles de France et de Bourbon. Le Code Noir légifère sur le traitement ignoble des « nègres esclaves » dans les colonies. Il constitue le texte fondateur de Maurice étant la première pièce juridique qui pose le socle des rapports sociaux entre Mauriciens à l’origine de son peuplement.

Une réglementation juridique du système esclavagiste

Le Code Noir pour l’Isle de France et Bourbon comporte 54 articles que l’on peut regrouper en cinq parties. La première partie (Art 1-10) établit le catholicisme comme religion unique dans laquelle les esclaves seront instruits et baptisés. Elle prescrit l’interdiction des sujets blancs de contracter mariage ou de vivre en concubinage avec les noirs sous peine de punition et d’amende. Il préconise l’inhumation des noirs baptisés dans un cimetière. La deuxième partie (11-20) règlemente le quotidien des esclaves : ses allées et venues, sa nourriture et son habillement. La troisième partie (21-38) est le cœur du dispositif légal : elle définit le statut juridique « sous-humain » de l’esclave en déclarant son incapacité légale à la propriété ainsi que tout recourt à la justice.

Toutefois, l’esclave a une responsabilité pénale en cas de délit d’agression à l’encontre d’un maître tout comme le délit de fuite et de recel. La quatrième partie (39-48) définit le statut civil de l’esclave en tant que « bien meuble ». L’esclave est une marchandise. Il est une res, une chose, un être réifié, chosifiéSon propriétaire peut en disposer tel un mobilier ou une bête de somme. La dernière partie (49-54) stipule les conditions d’affranchissement de l’esclave par son maître ainsi que le nouveau statut civil de l’affranchi, ses capacités et ses obligations.

Code Noir

Un texte porteur de violence originelle

Bien que voulant règlementer le système esclavagiste laissé au bon vouloir sans limite des maîtres, le Code Noir s’avère être un appareil juridique qui se distingue par son extrême violence faite à l’esclave dans sa chair sous mode de punition, sanction, châtiment, mutilation, exécution par le fouet et le fer. Mais plus encore, c’est dans son âme que le noir déraciné de sa terre natale est le plus meurtri. La négation de son humanité, l’affirmation de son infériorité pour le mener à la détestation de lui-même, l’endossement forcé d’une religion, d’une langue, d’une culture, la dépossession de sa progéniture participe à l’effacement de son identité culturelle et spirituelle en vue de supposément le civiliser. Cependant, l’esclavé saura résister et faire preuve de résilience en créant une nouvelle culture : la créolité porteuse d’une nouvelle vision qui se reflète dans la langue créole. Cela ne se fait pas sans séquelles sur ses descendants.

Un texte monstrueux

Suivant les termes de Louis Sala-Molins, le Code Noir est un texte monstrueux à plusieurs titres puisqu’il établit de fait la distinction dès la naissance entre des humains à partir de la couleur de la peau, du degré de pigmentation alors que dans leurs veines coule le même sang des mêmes organes. Il porte son nom sur la peau du livre de droit et de l’humain asservi.

Il accorde au « maître blanc » le droit de vie et de mort sur le « nègre esclave » ainsi que le droit de propriété sur l’esclave et ses enfants. Il « sous-humanise » le noir et institue le racisme anti-africain.

Hier, aujourd’hui et demain : le même prix à payer

Le statut et le sort de l’esclavé d’hier, gravés dans le Code Noir de l’Isle de France et de Bourbon, fait qu’il a dû payer un lourd tribut pour le développement de Maurice dès le début de son peuplement. En effet, les récentes études sur la traite française dans les Mascareignes recensent autour de 80 000 capturés, enferrés, transportés à fond de cale, mis en esclavage à Maurice— avec une espérance de vie ne dépassant pas dix ans —, à payer le prix de leur vie avec tout le poids du mépris pour bâtir Maurice et la faire devenir l’étoile et la clé de l’océan Indien.

Aujourd’hui, au regard de la déclaration universelle des droits humains, les descendants d’esclavés portent les séquelles de l’esclavage gravé dans le Code Noir ; bien que la lettre diffère, l’esprit perdure. Ils continuent à payer le prix cher du racisme mué en communalisme, l’exclusion, la discrimination, la péjoration issues des préjugés (kreol pares – kreol nek amize – kreol gran nwar…), la marginalisation sociale dans les cités et les ghettos. Mais, face à la stigmatisation, ils continuent à faire preuve de résistance, de résilience et d’affirmation identitaire pour effacer l’abominable stigmates que le Code Noir a imprimée dans leur chair et leur âme. Et qu’en est-il de l’avenir des descendants d’esclaves ? À quand un mécanisme de rattrapage au départ ou de réparation réelle pour lui permettre de forger, par lui-même, son avenir ? Ou devra-t-il continuer à payer le prix fort demain et après-demain ?

Source :

  • L’OBS (hors-série) no. 107, Esclavage — une histoire française, 2022
  • TAUBIRA, Christianne & CASTALDO, André, Codes Noirs, de l’esclavage aux abolitions, Dalloz, 2006
  • NAGAPEN, Amédée, Le Marronage à l’Isle de France — Ile Maurice, Rêve ou riposte de l’Esclave, Centre Culturel Africain, Nelson Mandela, 1999.
  • SALA-MALINS, Louis, Le Code Noir ou le calvaire de Canaan, PUF. 1987
  • Texte intégral du Code Noir : http://www.pierre-poivre.fr/doc-23-12-mois.pdf

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Contribution de –

Alain Romaine

P. Alain Romaine

* Les opinions exprimées sont personnelles.

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