Depuis juin dernier, la State Trading Corporation (STC) compte un nouveau directeur général en la personne de Rajiv Servansingh. Ce dernier a accepté ce poste après la polémique soulevée autour de l’Emergency Procurement pour l’achat d’équipements médicaux et de médicaments pour le gouvernement. Le Matinal Media l’a interviewé et comme toujours, il n’a pas hésité à nous répondre comme le professionnel qu’’il est.
LM : Avec l’ouverture des frontières et les fêtes de fin d’année qui approchent, y aura-t-il suffisamment de stock de carburants et de ‘jet fuel’ ? Quand est prévue la prochaine livraison de carburants à Maurice ? Est-ce que la STC sera en mesure des prix de pétrole stables à Maurice avec le ‘Automatic Pricing Mechanism’?
La STC a un système bien rodé sur de nombreuses années, en ce qui concerne l’approvisionnement du pays en produits pétroliers comme pour d’autres produits essentiels d’ailleurs. Les appels d’offres sont faits sur une base annuelle et la STC fait un suivi assidu des mouvements de navires avec les fournisseurs afin de s’assurer que tout se passe comme programmé. Par ailleurs, il faut savoir qu’avec la mise en service de la Mer Rouge Oil ……nous avons créé la possibilité d’avoir une réserve “stratégique” pour le pays. La STC n’est pas en mesure de garantir que les prix resteront stables lorsque nous savons que nous nous approvisionnons sur un marché extrêmement volatile où il est impossible de maîtriser les prix. Confrontés à cette problématique, même les grands pays développés sont aujourd’hui incapables d’assurer une stabilité des prix sur leurs marchés de l’énergie. L’APM n’est qu’un mécanisme qui fait un calcul bas sur la tendance des prix.
LM : Il y a eu une dégradation de la qualité de l’essence sur le marché local. Par exemple, à l’ile de la Réunion, on dit que la qualité de l’essence est de meilleure qualité. Quels sont les dispositifs pris pour s’assurer d’une bonne qualité de l’essence sur le marché local ?
A un certain moment, il y a effectivement eu des plaintes provenant d’un certain nombre des automobilistes concernant la qualité de l’essence fournie par la STC. Une enquête est en cours pour en déterminer les causes. Mais cela se rapporte à un contrat qui date de quelques années déjà. Depuis, la STC a pris les mesures afin de s’assurer que les critères et spécifications requises soient strictement respectés. Il n’est donc pas vrai de venir dire que la qualité de l’essence fournie par la STC est de “mauvaise” qualité. D’ailleurs, les quatre multinationales de l’industrie présente à Maurice sont des parties prenantes dans la détermination des critères appliqués par la STC et en sont entièrement satisfaites.
LM: La roupie a fortement déprécié vis-à-vis le dollar. De surcroît, le coût du fret ne cesse d’augmenter. Pouvez-vous évaluer l’ampleur de la hausse des prix d’importation sur le taux d’inflation à Maurice ? Quelle est la position des réserves en devises de la STC pour assurer l’importation des produits essentiels à Maurice ? Sont-elles suffisantes ?
S’il est vrai que le dollar s’est apprécié par rapport à la roupie sur ces derniers mois, il faut savoir que ceci ne constitue qu’une partie de l’ensemble des facteurs qui influent les prix des produits importés par la Corporation. Les Mauriciens sont au courant des grands bouleversements que subit l’économie mondiale depuis que l’activité économique mondiale a connu un coup d’arrêt quasiment total, qui a duré pendant presque un an suivi par une reprise de la demande des produits et services aussi soudaine que robuste qui surprend même les prévisionnistes les plus avertis. La rupture des chaînes d’approvisionnement globale marquée par un manque de navires et de containers pour transporter les marchandises ajoutées à des contraintes quasiment insurmontables dans le court terme dans les capacités de production des pays traditionnellement exportateurs font que nous faisons face à une situation explosive sur le marché des commodités et les prix des denrées de base explosent. Il faut savoir par exemple que le prix de l’essence est arrivé à presque USD800 la tonne à comparer au prix de référence de USD650 sur lequel est basé le prix actuel à la vente. Il est clair que c’est une situation qui ne peut pas durer. Pour ce dont il s’agit de la situation financière de la STC, je vous rassure qu’elle demeure saine pour le moment tout en soulignant que des mesures correctives devront être prises dans un proche avenir afin que cette situation puisse perdurer.
LM : Quand seront finalisées les démarches pour l’importation du lait en poudre à Maurice?
En sus de son rôle d’importateur de produits de première nécessité pour la nation mauricienne en centralisant les volumes afin de bénéficier des meilleures conditions d’approvisionnement, la STC est aussi un instrument stratégique entre les mains du gouvernement afin d’assurer que les marches fonctionnent normalement quand il s’agit des autres produits de base qu’elle n’importe pas en temps normal. C’est dans ce contexte que la Corporation a été appelée à intervenir sur les marchés du lait en poudre et celui de l’huile comestible récemment. Il faut savoir que nous nous sommes engagés sur une courbe d’apprentissage et nous ne voulons absolument pas retomber dans les pièges du passé lorsque nous avions entrepris le même exercice. Sur le dossier du lait nous avons bien avance tandis que pour l’huile, nous nous sommes retrouvés dans une situation particulière où tous les importateurs mauriciens s’approvisionnent d’un seul pays, en l’occurrence l’Egypte. Il nous semble que cela pose une nouvelle problématique et nous ferons un rapport aux autorités concernées à ce sujet.
LM : La STC est comme une véritable machine à importer à Maurice. Mais elle est aussi très endettée. Comment en assurer la rentabilité de l’institution, voire sa pérennité ?
La STC n’est pas endettée. Cependant, il faut faire ressortir que nous avons beaucoup puisé de nos réserves ces derniers temps afin que les consommateurs mauriciens continuent de bénéficier des prix très bas pour les produits subventionnés par le gouvernement à travers de la STC. Je vous citerai comme exemple le gaz ménager – quand le gouvernement avait fixé le prix de ce produit à RS180 la bonbonne de 12 KG, cela nous coûtait environ Rs 325. Cette même bonbonne coûte aujourd’hui Rs 536. Ce même scénario s’applique pour chaque produit subventionné – riz, farine, gaz ménager. Il sera extrêmement onéreux de continuer à maintenir les prix de certaines commodités aux mêmes prix qui avaient été fixés en 2016 ! Evidemment, la voie à suivre n’est pas déterminé par la STC mais je pense que les Mauriciens sont suffisamment responsables pour comprendre que comme disent les Anglais “there is no such thing as a free lunch” si le gouvernement décidait de réduire quelque peu les subventions tout en gardant en tète la nécessité de préserver le pouvoir d’achat de la population.
LM : Passons à la gouvernance de l’institution. Quels dispositifs ont été mis sur pied pour assurer l’indépendance du conseil d’administration par rapport aux décisions prises dans l’intérêt général ? Êtes-vous déterminé à lutter contre la corruption dans le pays ? Que fait la STC à ce niveau ?
Quelque temps après ma prise de fonction, on m’avait reproché d’avoir pris position en déclarant que le staff de la STC n’avait rien à se reprocher en ce qui concerne les affaires liées à l’approvisionnement en produits sous un régime d’urgence. Je suis heureux de noter que les deux rapports d’audit commandités par le ministère des Finances et le rapport annuel du Bureau des vérificateurs aux comptes du gouvernement sont arrivés à la même conclusion en donnant un “clean sheet” à la STC, qui a respecté les procédures et qui n’a pas perdu d’argent dans ses transactions. Il faut savoir que toutes les dépenses encourues par la corporation pendant le “lock down” ont été remboursées par les ministères concernés.