L’avenir incertain d’Air Mauritius inquiète. Dégraissage, vente et retour, une flotte de 13 appareils réduite par deux A340, deux A319 et deux A330 dont 5 vendus et un rendu à son propriétaire. Et avec, le bruit que notre compagnie nationale ne desservira que 50 % des destinations dites d’antan, probablement Paris, Londres, Hong-Kong, Kuala-Lumpur, Mumbai, Perth, Johannesburg, Antananarivo, Saint-Denis et Rodrigues ainsi que moins de General Sales Agents à travers le globe, soit une dizaine. Le Watershed meeting est très attendu, il marque la fin de l’administration volontaire mais aussi le Deed of Company Arrangement (DOCA), le plan de sauvetage adopté, les honoraires qu’ils vont, disons-le, honorer, mais surtout le sort des 2300 employés… Dans tout ceci, l’économie du pays qui souffre, le secteur du tourisme considéré un pilier et l’image de notre ile Maurice qui est en train d’être terni… L’ancien ministre des affaires étrangères et nouveau chef du parti Rassemblement Mauricien nous donne son avis bien tranché « l’impact sera terrible si la nouvelle restructuration est une faillite » et craint que « Avec la nouvelle nomination nous sommes partis pour une situation plus difficile encore » mais regrette que « le drame reste la politisation à outrance de tout ce dossier ! »
Peut le Tourisme survivre sans une compagnie aérienne nationale “Fully Functional” ?
Pour une ile perdue dans l’océan indien et loin des marchés, en Europe surtout, nous avons absolument besoin d’une compagnie nationale viable pour la connectivité et le tourisme. MK, Air Mauritius ne transporte pas moins de 500 000 touristes chaque année sur des routes qui ne sont pas forcément profitables, la compagnie nationale est au service du pays et c’est un facteur essentiel dans toute réflexion sur la relance du tourisme et un nouveau départ pour MK, Air Mauritius.
Quels seront les impacts sur l’économie ?
Le tourisme en temps normal rapporte 2 milliards d’euros. Donc sur un PIB de 10 milliards d’euros, l’aviation avec ses activités connexes pèse très lourds, plus de 25 pour cent. C’est un impact réel sur la relance. Il faut que MK, Air Mauritius soit l’instrument stratégique de notre politique touristique. La compagnie nationale est là pour servir le pays, d’où les lignes qui ne sont pas rentables mais essentielles pour l’industrie touristique.
Les autres compagnies volent pour des raisons commerciales. Sur le budget, il faudra selon les administrateurs, 12 milliards de roupies pour la relance de MK pour la relance après des décisions désastreuses par des nominés politiques incompétents. L’impact sera terrible si la nouvelle restructuration est une faillite.
Et sur l’image de Maurice en tant que pays Indépendant ?
Nous avons connu la grande fierté que MK, Air Mauritius a apportée à tout Mauricien, le sentiment que la compagnie nationale est un bien à nous tous. MK a rapporté pas mal de prix et nous avons, sur le plan international, démontré que nous pouvons avoir une compagnie viable et fiable avec un personnel de qualité et une flotte conséquente. Nous allons perdre cette image. Ils ont bradé pas mal d’avions et l’on nous dit qu’il y aura une politique de réduction de personnel. Notre paille en queue nationale prend au sacré coup.
L’image de Maurice sur le plan de propagation de la Covid 19 est très négative avec les dotations du Centre for Disease Control (CDC) des Etats Unis, et les reportages en France.
C’est à nous de redresser la barre et de relancer MK sur de nouvelles bases.
S’il s’avère qu’Air Mauritius ne tourne qu’avec 50 % du nombre de pays desservis et qu’avec un nombre réduit de GSA, pourront nous :
Tenir ?
Cela voudra dire qu’Air Mauritius sera réduite à une petite compagnie régionale avec quelques vols long-courriers. Et nous devrons dépendre des compagnies aériennes étrangères pour des vols indispensables pour notre tourisme. Le plus grave, c’est que MK ne pourra pas soutenir la compétition avec les autres compagnies aériennes et risque de disparaître.
Et recouvrir les dettes ?
Il y a eu une gestion catastrophique liée à des décisions désastreuses prises par des nominés politiques, aujourd’hui c’est une ardoise que le peuple paye. Les administrateurs proposent une nouvelle gestion des dettes, attendons voir.
Garder l’emploi de ceux dans l’aviation ?
Ils ont licencié des personnes qui ont tout donné à la compagnie. Ils ont mis des pilotes « on leave ». Nous comptons un millier d’emplois en suspens. Nous allons vers une solution où il y a une grande incertitude car les administrateurs ont fait un exercice purement comptable et ne proposent aucune visibilité concernant le plan d’opération de MK, ni son rôle dans la relance du tourisme.
Quels sont vos prévisions pour la réouverture totale des frontières et son effet sur l’économie et au niveau de la gestion pandémique.
Sur la question sanitaire j’ai beaucoup d’appréhension, car nous allons vers un Peak.
Sur le plan économique, les chiffres annoncés sont trop optimistes, car tous les spécialistes savent que la reprise sera lente et complexe.
Proposerez-vous une solution en cet état des choses ?
Une solution ; elle est complexe vu les enjeux énormes pour Air Mauritius. Il faut trouver une solution qui relève d’une compagnie aérienne, et non d’un merger avec un nominé politique sans expériences et sans compétences avec deux compagnies qui sont profitables aujourd’hui.
Il faut accepter l’idée que MK est indispensable comme moteur du Tourisme, et que toutes les lignes ne sont pas rentables. Il faut aussi gagner la confiance du personnel pour un nouveau départ avec une nouvelle responsabilisation de tous les acteurs pour la survie de la compagnie.
Les 12 milliards sont là pour être bien injectés dans la relance et non pour être ” Throwing Good Money After Bad Money” comme cela a été le cas en 2019 avec les 2 milliards et plus obtenus de AML et de MDFP.
Si on ne redresse pas la situation et les 12 milliards ne servent à rien alors, ce sera un désastre absolu. Mais la question clé reste l’appel à des compétences solides pour sortir de la crise. Avec la nouvelle nomination, je crains que nous soyons partis pour une situation plus difficile encore.
Quels sont vos sentiments sur la gestion de ce dossier, les administrateurs derrière et le Watershed Meeting du 27 septembre ?
Le Drame, c’est que les administrateurs ne connaissent rien de la spécificité de l’aviation et ils ont traité le dossier de manière superficielle, sans comprendre comment Air Mauritius en est arrivé là. Ils se sont cantonnés à une analyse comptable, sans vouloir, volontairement ou pas, analyser les chiffres, les bilans et comprendre comment des décisions désastreuses ont été prises.
Le Watershed Meeting se focalise essentiellement sur les dettes et les créances et proposent comme toute solution classique des modalités de re paiement de dettes.
Il n’y a rien sur les activités futures de MK, l’utilisation de la flotte actuelle, et des ressources humaines, à part le fait que les lignes couvertes seront réduites à 50 pour cent.
Une fois l’approbation des créanciers obtenue, on est loin de sortir de la crise. Au contraire il faudra gérer les 12 milliards et surtout remettre la compagnie sur les rails dans un climat où il n’y a pas de certitude ou de visibilité. Le drame reste la politisation à outrance de tout ce dossier !