A St Croix, lors de la messe du Père Laval, le Cardinal Piat a axé son homélie sur les problèmes dans le monde de l’éducation.
L’évêque s’est appesanti sur ceux qui sont des brebis sans berger à Maurice aujourd’hui :
- Les jeunes sont largués par un système d’éducation qui n’est pas adapté à leurs besoins et à leur culture
- Ces jeunes sont livrés à eux-mêmes, certains habitent dans la rue. Ils sont exploités par les vendeurs de drogue ou par des patrons peu scrupuleux – ils sont exposés à devenir de toxicomanes eux-mêmes – et souvent, ils se retrouvent en prison pour plusieurs mois, ‘on remand’. Et comme des toxicomanes ou anciens prisonniers, ils sont méprisés et montrés du doigt. Leurs parents souffrent beaucoup. Ils sont au chômage ; 24% de chômage parmi les jeunes.
Le Cardinal Piat a ensuite développé les raisons qui sont à l’origine de cela : « Nous avons de la chance d’avoir l’éducation gratuite à Maurice, mais ce système laisse malheureusement sur le bord de la route environ 25% à 30% qui échouent en fin de primaire PSAC. Les mock exams pour le NCE (National Certificate Education), tenus récemment, donnent aussi un très mauvais signal.
Il faut reconnaître que le Ministère de l’Education et d’autres institutions comme le NSIF, travaillent dur actuellement pour tâcher de corriger cette tendance. Plusieurs projets sont en cours pour soutenir et encourager les plus faibles.
Il faut reconnaître aussi que plusieurs NGO’s regroupés dans ANFEN font un travail remarquable pour les enfants qui quittent l’école avant la fin parce qu’ils sont découragés et n’arrivent pas à suivre.
Au lieu de travailler chacun de son côté, est-ce que ce ne serait pas bien mieux si tout ce monde-là, MoE, NSIF, ANFEN et des profs qui s’engagent personnellement pour trouver de nouvelles pédagogies pour s’adapter aux besoins de ces jeunes, puissent travailler ensemble ? ».
En s’inspirant de l’Evangile du jour, dans un premier temps, le Cardinal Piat a établi un parallèle entre les brebis sans berger au temps de Jésus et au temps du Père Laval. A l’époque de Jésus, les brebis sans bergers étaient les pauvres et les petits paysans qui étaient
- Ecrasés par les autorités romaines qui réclamaient des taxes très lourdes
- Exploités par les partis révolutionnaires qui les utilisaient pour arriver au pouvoir
- Méprisés par les autorités religieuses juives parce qu’ils ne connaissaient pas les détails de la loi de Moïse et n’arrivaient pas à tout mettre en pratique.
Devant eux, Jésus est saisi de compassion ; il comprend leur souffrance et souffre avec eux ; il entre en dialogue avec eux et les enseigne longuement. Les apôtres sont agacés lorsque Jésus leur demande de donner à manger à cette foule. Ils ne disent « pas capav », « ça dépasse nos moyens ». Alors Jésus leur dit de les faire asseoir comme des convives et d’entrer en conversation avec eux et de partager le peu de pain qu’ils ont. Alors, la foule est « rassasiée », heureuse non pas seulement à cause du pain mais surtout à cause de l’accueil gratuit qui lui a été fait.
Le Cardinal Piat a ensuite expliqué qu’à l’époque de Père Laval, les esclaves récemment libérés étaient « les brebis sans berger » car ils étaient
- Lâchés dans la plaine, sans travail, sans maison, sans éduction
- Exploités souvent par des propriétaires bourgeois
- Rejetés au dernier rang dans l’Eglise, les riches blancs étaient devant et les noirs pauvres derrière
- Leur langue était méprisée
Le Père Laval, comme Jésus, est saisi de compassion devant cette foule. Il les écoute longuement, apprend leur langue et prend du temps avec eux. Comme Jésus, il a lui aussi était critiqué – on lui dit qu’il ne réussira pas, qu’il n’y a rien à faire avec ces pauvres-là. Mais, comme Jésus, il persévère :
- Il les enseigne longuement (à la Cathédrale) tous les soirs
- Il les « empower » pour qu’ils deviennent eux-mêmes des catéchistes
- Il leur apprend à s’entraider – à contribuer à une caisse des pauvres pour partager
- Il leur apprend à « marcher ensemble » dans de petites communautés
- A se réunir dans les quartiers
- A écouter la Parole lue par les Catéchètes
- A s’organiser pour le soin aux malades, pour l’entraide
Résultat : les anciens esclaves ont retrouvé leur dignité, se sont sentis aimés, et reconnus. Ils ont vu qu’ils pouvaient être eux aussi des apôtres. Ils ont vu qu’ils pouvaient apporter une contribution valable à la société.
Selon le Cardinal Piat, « l’enjeu est trop grand »
Le Pape nous a dit quand il est venu à Maurice : « Qu’il est dur de constater que malgré la croissance économique que votre pays a connu ces dernières décennies, ce sont les jeunes qui souffrent le plus, ce sont eux qui ressentent le plus le chômage qui cause non seulement un avenir incertain, mais qui leur enlève aussi la possibilité de se sentir des acteurs privilégiés de leur propre histoire commune. Un avenir incertain qui les pousse à l’écart et les oblige à concevoir leurs vies en marge de la société, les laissant vulnérables et presque sans repères face aux nouvelles formes d’esclavage de ce XXIe siècle. »
Le Cardinal a conclu son homélie en invitant à « marcher ensemble, pas à pas, sur le chemin de notre première mission ».